Rapport : Sommet 2018 de la Stratégie pour la recherche axée sur le patient (SRAP)

Le sommet de la Stratégie pour la recherche axée sur le patient (SRAP) 2018 — une initiative des Instituts de recherche en santé du Canada —a souligné l’importance de conduire de la recherche de pointe avec des équipes multidisciplinaires collaborant avec les parties prenantes concernées.

Article par Claudia Gemme, étudiante au doctorat au département de psychologie à l’Université du Québec à Montréal

Le Réseau international pour les essais comportementaux (IBTN) est une initiative dédiée à la création de projets de recherche innovateurs et visant l’amélioration des pratiques cliniques. Le réseau a été créé pour faciliter l’amélioration globale de la qualité des essais comportementaux et le développement d’une bibliothèque numérique rassemblant les meilleures recommandations, outils et articles méthodologiques portant sur les essais comportementaux et le développement d’interventions. Nous travaillons, en tant que réseau de chercheurs, vers l’amélioration de la santé de la population et des pratiques dans le système de santé à travers des collaborations avec différents experts provenant de domaines variés.

Du 13 au 15 novembre 2018 à Ottawa, le Sommet a souligné l’importance de conduire de la recherche de pointe avec des équipes multidisciplinaires collaborant avec les parties prenantes concernées. Bien que plusieurs éléments adressés lors du sommet soient déjà ancrés dans les idéologies et les projets du IBTN, plusieurs autres idées inspirantes ont été présentées lors du Sommet et sont partagées ci-dessous dans l’espoir de faire naître ou de cultiver un intérêt pour les pratiques de recherches axées sur le patient.

La première présentation a été donnée par les créateurs du projet Sickboy, un balado qui vise à changer le dialogue autour de la maladie et à aborder ce qu’implique être malade au Canada. Adresser la pluralité des expériences réelles vécues dans le contexte auquel on s‘intéresse comme chercheur a rappelé à tous les participants du sommet pourquoi l’engagement du patient, à travers le partage de leur savoir expérientiel, est important. Les différents présentateurs invités au sommet ont donné des exemples d’intégration des patients à tous les stades du protocole de recherche.

Durant la phase de l’implémentation, l’engagement du patient requiert une prise d’action et c’est à ce moment que le rôle hybride du patient-chercheur émerge. En effet, cette étape transforme l’expérience qu’a le patient de sa maladie en un sujet d’étude, redéfinissant ainsi l’expérience qu’il a de sa condition. Ce changement d’identité est un processus qui est de notre responsabilité de superviser et soutenir de manière organisée afin de s’assurer que cette expérience d’engagement se déroule de façon optimale pour les patients. La surveillance et la compréhension des pratiques d’engagement sont primordiales au maintien de qualité et de sens. Cela permet aussi une meilleure compréhension des succès et difficultés rencontrées dans la collaboration avec les patients. Une fois la collecte de données terminée, l’implication du patient est toujours recommandée puisque cela assure une transparence dans l’utilisation (ou non) des données générées par ces patients-chercheurs.

D’autres présentateurs ont parlé de la recherche avec des populations autochtones durant le Sommet. Ces présentations étaient incroyablement informatives et ont montré différentes façons de prendre en considération la pluralité des identités en recherche. Par exemple, en sollicitant la participation de patients des communautés autochtones, certains défis doivent être considérés : leur confiance envers la recherche doit être rétablie et l’engagement du patient devrait toujours être informé par le trauma, intersectoriel et basé sur l’apprentissage réflectif.

En fusionnant différents types de savoir (académique, professionnel et expérientiel), un environnement de recherche permet une co-construction authentique des soins, services et politiques en santé. La recherche axée sur le patient met en lumière l’importance de la consolidation des réseaux et du sentiment d’appartenance. Les chercheurs devraient investir du temps et des ressources dans la création d’espaces formels/informels qui facilite cette co-construction en capitalisant sur le savoir expérientiel des patients. Les résultats de tels essais devraient être disséminés via des initiatives comme la nouvelle collection de CMAJ Open portant exclusivement sur la recherche axée sur le patient, qui inclura un comité consultatif composé de patients, intégrera les révisions d’articles par les patients et cultivera des fondations théoriques pour les initiatives intégrant le patient dans la co-conception des soins.

La collaboration à travers les institutions et services est aussi primordiale pour assurer le succès de tels projets de recherche. Le succès implique la durabilité, et plusieurs stratégies existent pour créer ou maintenir ces initiatives ou études. Ces stratégies vont du recrutement et de la rétention de personnes exceptionnelles dans l’équipe de recherche, en passant par l’exécution intègre et l’engagement de tous les partenaires de façon significative – le tout en demeurant résilients, flexibles, capables de lâcher prise et conscients de la valeur d’échange entre les partenaires.

Bien que plusieurs messages-clés puissent être tirés de cette rencontre, les deux journées de présentations et de discussions ont souligné que l’importance accordée aux expériences vécues mène à plus de pertinence, d’applicabilité et de pragmatisme en recherche. Intégrer des patients en recherche requiert de l’humour et le tissage de liens. Partager ses expériences intimes avec la maladie et le système de santé, dans un contexte qui les rappelle constamment de leur condition, n’est pas une tâche facile. Donc en étant plus conscients en tant que chercheurs et en minimisant la hiérarchie existante dans le domaine des soins de santé, un espace sécuritaire peut être créé.

Un second message clé majeur concerne l’importance de considérer la diversité épistémologique (et les désaccords) qui existe dans la collaboration entre la communauté scientifique et les populations ciblées par la recherche. Un investissement de temps et de ressources est nécessaire pour la réduction des relations hiérarchiques qui pourraient contraindre l’objectif principal de la recherche axée sur le patient : la capitalisation du savoir expérientiel. Tous ces éléments pourraient être intégrés dans l’objectif principal du réseau IBTN, qui est de livrer, pour 2025, un essai comportemental international de haute qualité abordant des problèmes de santé globaux.

Pour en savoir plus sur la Conférence de la SRAP 2018